Stade de Reims / Fournier, le naturel au galop
FOOTBALL (L1). À 45 ans, Hubert l'Auvergnat vient de réaliser un double exploit : hisser puis maintenir le Stade de Reims en Ligue 1. Naturel, affable et passionné, le coach des Rouge et Blanc véhicule sereinement les valeurs d'un club qui colle de plus en plus à sa personnalité.
Hubert Fournier, avec le recul, comment qualifiez-vous la saison que vous venez de vivre ?
« D'abord, elle est réussie parce que l'objectif fixé a été atteint. Ce fut une saison enrichissante sur le plan de l'expérience. Il y a eu de bons et de mauvais moments. Dans le deuxième cas, on apprend beaucoup sur soi-même, sur les hommes, sur l'environnement du club ».
Accéder en Ligue 1 était l'aboutissement d'un rêve pour les Rémois. Aviez-vous de l'appréhension en abordant cet exercice ?
« Non, pas d'appréhension, plutôt de l'excitation, de l'impatience. On s'était battus pour y accéder, il fallait y aller. Avec notre enthousiasme et la volonté d'en découdre. Notre insouciance du début, a, paradoxalement été l'une de nos armes. Mais, après, nous avons été rattrapés par les difficultés de ce championnat ».
« Je ne suis pas du genre à me plaindre, mais l'hiver a été très très compliqué »
L'univers de la L1 a-t-il réclamé un changement dans l'approche de votre fonction ?
« Forcément. Même si, à la base, le travail de l'entraîneur reste le même, il exige plus de précision. Nous évoluons dans l'élite, avec toutes les exigences que cela réclame. La différence sautait aux yeux par rapport à ce que nous avions vécu en Ligue 2.
Ceci dit, mon travail est resté le même. Je ne cache pas que je voulais parfois en faire plus, mais nous étions limités par nos structures. Peut-être fallait-il un élément de plus au sein du staff, un terrain supplémentaire pour travailler, et bien d'autres choses ».
On peut parler de frustration ?
« Elle est réelle : on a des idées, on a la volonté de les appliquer, d'apporter d'autres choses aux joueurs, mais on est paralysés par les contraintes. On le savait avant de débuter, mais on a eu du mal à s'y faire ».
L'idée que vous vous faisiez de la L1, a-t-elle été conforme à ce que vous avez vécu ?
« On s'attendait à devoir faire face à bien des exigences. On a trouvé, face à nous, la qualité que l'on craignait. Notamment en terme d'individualités. On a eu la confirmation que les meilleurs joueurs se trouvaient bien à ce niveau. En Ligue 2, on travaille bien, mais on n'a pas ces individualités qui peuvent faire basculer un match ».
Vous êtes-vous renseigné auprès de vos collègues avant le coup d'envoi de la saison ?
« Un peu oui. Après, il fallait l'adapter à son propre environnement. Bien sûr qu'on obtient de bons conseils auprès d'un entraîneur qui a œuvré à Rennes, Lille ou Saint-Etienne, mais cela ne veut pas dire que tu puisses les appliquer à Reims. Les exigences sont les mêmes partout, mais partout on ne peut pas les appliquer à un Ibrahimovic. C'est là toute la différence ».
« Il faudra remédier à nos faiblesses offensives »
Vous avez beaucoup pesté cette saison contre les structures d'entraînement, coupables selon vous de la performance de votre équipe…
« L'hiver que nous venons de vivre a été le plus difficile depuis quatre ans que je suis là. Je ne suis pas du genre à me plaindre, mais je sais aussi qu'on joue comme on s'entraîne. La qualité de l'entraînement était moins bonne en janvier et février. Disputer des quatre contre quatre en salle a ses limites. Si c'était comme ça qu'on entraînait une équipe de Ligue 1, tout le monde le ferait.
Et puis, tout ce bricolage joue aussi sur le moral des joueurs. Même si on évite de tomber dans le panneau, dans la fatalité. Ceux qui arrivaient au club, comme Antoine Devaux, ont été très surpris ».
On dit que l'entraîneur n'est jamais satisfait à 100 %. Y a-t-il un match réussi dans sa globalité, que vous ressortez du lot cette saison ?
« Il y a eu notre prestation à Toulouse (1-1) malheureusement gâchée par l'égalisation concédée à la dernière minute. Mais je pense que notre match contre Lyon (1-0) demeure la référence. Nous avons été solides défensivement en ne concédant que très peu d'occasions, et audacieux en attaque. Nous avons marqué un but, mais nous nous sommes créé bon nombre d'occasions. En face, il y avait quand même Lyon, avec son équipe-type, qui avait un impératif de résultat ».
Votre équipe vous a-t-elle parfois épaté ?
« Pas vraiment. J'ai été plutôt agréablement surpris par la faculté de la plupart des joueurs à avoir su hausser leur niveau de jeu. Eux, comme d'ailleurs le staff technique, découvraient ce championnat. Ils ont su gérer des moments compliqués sans se désunir. Contrairement à Brest par exemple qui s'est écroulé ».
Elle vous a aussi forcément déçu…
« Le match contre Evian à Delaune est une déception. Il y a la défaite, mais aussi le niveau très moyen de notre prestation. Lors des matches à domicile contre Bastia, Toulouse, Valenciennes, Ajaccio, il nous a manqué cette efficacité offensive recherchée durant toute la saison ».
« On va essayer d'être encore plus pointu »
Avez-vous pu enfin percer le mystère stadiste de cette saison, et savoir pourquoi votre équipe jouait bien face aux gros et mal face aux petits ?
« Sur le plan du jeu, et c'est un secteur que l'on doit travailler, nous manquons de créativité, de maîtrise technique. Ce qui devient un vrai handicap face aux équipes évoluant avec un bloc bas. Au contraire, lorsque l'adversaire prend le jeu à son compte, nous pouvons placer notre jeu de contres, plus adapté à nos qualités ».
Vous terminez 14e avec 42 points. C'est inespéré ?
« Je suis tenté de penser que nous aurions pu faire encore mieux. Il y a quelques matches qui peuvent laisser des regrets. Mais nous avons aussi réussi de gros coups par ailleurs. ça s'équilibre.On peut toujours épiloguer sur quelques scénarios, mais en principe, le classement au bout de 38 journées, reflète le niveau des équipes ».
La prochaine saison a déjà débuté : allez-vous modifier certaines choses dans votre travail ?
« Changer non, améliorer certainement. On va essayer d'être encore plus pointu ».
Vous appliquerez la même préparation ?
« Le canevas reste le même. Pour les matches de préparation, on a misé plus sur la qualité de nos adversaires. L'été dernier, nous n'avions joué que deux équipes de L1 : Valenciennes et Nancy ».
« Les chiffres démontrent notre faiblesse en attaque »
Peut-on affirmer que durant ce mercato, le changement sera maintenant et devant ?
« Six joueurs viendront étoffer l'effectif. Nous n'allons pas rebâtir un groupe, mais tenter d'améliorer l'effectif existant. La donne n'a pas changé, il faudra composer avec les contraintes économiques.
Les chiffres démontrent nos faiblesses offensives. Il faudra y remédier ».
Craignez-vous cette deuxième année en L1 que d'aucuns annoncent la plus difficile ?
« L'objectif sera de pérenniser le club à ce niveau lors des cinq prochaines saisons. Après, à l'image de Lorient, tu peux te montrer un peu plus ambitieux.
Ces cinq années vont donner le temps au club de développer ses structures, de générer peut-être des ressources ».
Quels sont les trois clubs que vous laisserez derrière vous au printemps prochain ?
« Déjà, soyez-en sûr, nous figurerons parmi les relégables, au même titre, peut-être, que Guingamp et Ajaccio. Pas besoin d'être un grand pronostiqueur pour nous placer dans la charrette. Ce qui peut sembler normal. Quand on voit que Nantes, en Ligue 2, disposait d'un budget supérieur au nôtre. On mesure les difficultés qui nous attendent.
On va se remettre au travail. L'objectif sera de gagner en régularité. Notre salut passe par là ».